Quel que soit le niveau auquel on l’applique, qu’il s’agisse de stratégie d’entreprise, de celle pour devenir le leader d’un marché, d’assurer le succès durable d’un produit ou le lancer sur le marché, qu’il s’agisse de stratégie pour conquérir un client ou pour capturer un projet, le besoin de raisonnement stratégique est partout. Mais qu’est-ce exactement que penser stratégique et comment en appliquer ce type de raisonnement à tous les niveaux?
Le raisonnement stratégique
Le raisonnement stratégique, qui précède et prépare l’exécution, repose toujours sur un enchaînement du type analyse de la situation –> réflexion –> décisions –> préparation à la mise en œuvre. Il peut s’appliquer toutes les fois que l’on se trouve dans une situation caractérisée par une position existante, un ou des adversaires ou concurrents, des ressources disponibles limitées et que l’on se doit se donner des buts, fixer des objectifs précis, décider de la manière de les atteindre et allouer des ressources et moyens.
A ce titre, le raisonnement stratégique n’est pas réservé au domaine de la stratégie d’entreprise (qui n’est que l’un de ses domaines d’application) ni aux comités de direction. Il concerne tous les acteurs de l’entreprise, chacun à leur niveau, que ce soit en tant que décideurs ou en tant que contributeurs.
On notera, à propos de la distinction très courante entre stratégie et tactique, que la stratégie à un niveau de décision donné constitue fréquemment la tactique du niveau supérieur. Pour reprendre un exemple célèbre, il a évidemment fallu prendre des décisions « stratégiques » lors du débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie comme celle de construite un « port flottant » mais ce débarquement lui-même relevait de la tactique si on se place au niveau supérieur de la stratégie alliée dans le cadre de la seconde guerre mondiale, dont une grande partie se jouait dans le Pacifique.
On peut ici faire également une analogie avec un joueur d’échec (certains préfèreront plutôt assimiler les affaires au jeu de go ou même au poker!) qui doit à la fois avoir une stratégie pour parvenir à mettre échec et mat son adversaire et décider en permanence des mouvements coordonnés de chacune ses pièces sur l’échiquier en fonction de la stratégie qu’il poursuit, du nombre des pièces qui lui restent et de leur position sur l’échiquier.
Les prérequis du raisonnement stratégique
Sur quels éléments concrets repose le raisonnement stratégique en entreprise? On peut en faire une présentation très simplifiée:
Le raisonnement stratégique présuppose tout d’abord la définition claire des « périmètres de marché/concurrence ». C’est l’enjeu notamment de deux types de segmentation: la segmentation stratégique qui décidera des « domaines d’activité stratégiques jugés pertinents à définir et de la segmentation marketing qui décidera des « segments de marchés » possibles.
Il présuppose ensuite une connaissance et une compréhension générale des « règles du jeu » de ces périmètre de compétition. Ces règles du jeu sont de trois types
- ce qu’il est permis ou interdit de faire au plan réglementaire sur un marché donné
- les facteurs clefs de succès sur un marché donné: par exemple un marché de prix n’a pas les mêmes FCS qu’un marché de différenciation
- deux types de « règles du jeu » issues de l’expérience qui conduisent en général au succès ou à l’échec.
- les règles générales applicables à toute stratégie. De la même façon que des ouvrages consacrés au jeu d’échec décrivent des stratégies-type, il en existe plusieurs pour les affaires. Par exemple, on sait bien que dans toute stratégie, dans les affaires comme ailleurs, la dispersion des ressources et des efforts conduit à l’échec alors que leur concentration produit de bien meilleurs résultats.
- D’autres règles issues de l’expérience des affaires montrent par exemple qu’il est tout aussi important d’arriver au bon moment sur le marché, donc de gérer le « time to market », que d’avoir un bon produit. Ou encore que le meilleur produit sous l’angle de la performance technique n’est pas forcément le gagnant sur un marché
Il est à noter que dans les entreprises techniques, on porte souvent trop peu d’attention à ces règles qui sont parfois plus issues de la pratique que d’une démonstration irréfutable . C’est particulièrement vrai pour certains des points mentionnés plus haut: différence entre « marchés de prix » et « marchés de différenciation », rôle du time to market et rôle de la technique seule dans le succès marché.
Le raisonnement stratégique présuppose enfin une analyse juste de sa situation. Celle-ci comprend:
- l’analyse de sa position concurrentielle avec ses forces et ses faiblesses: on peut se trouver dans des situations concurrentielles très différentes selon que l’on est fort ou faible sur un marché et que le marché est embryonnaire, en croissance ou en déclin
- l’état des ressources disponible
- la détection des opportunités
- la nature des mouvements possibles pour soi-même et pour chacun des concurrents selon sa propre situation et ses ressources comme celles des concurrents
- On peut également y rattacher l’anticipation de l’évolution des règles du jeu du « marché » ( ce que l’on ne retrouve pas dans le jeu d’échec)
La décision
La décision consiste à fixer les objectifs poursuivis à terme, déterminer la façon dont les objectifs seront atteints, à affecter les priorités, à déterminer la façon dont seront affectées et concentrées les ressources disponibles.
La décision stratégique répond donc à « quels sont nos objectifs et nos priorités? », « comment allons-nous les atteindre? », « quelles ressources allons-nous y affecter » et « comment allons-nous prioritairement affecter argent et efforts ». Par exemple, l’ objectif peut être de pénétrer ou devenir leader sur un segment de marché particulier, le moyen peut être de s’appuyer sur une famille de produits existante particulièrement avancée ou de procéder par acquisition d’une technologie ou d’une entreprise tout en dédiant une équipe à ce projet et en lui attribuant un budget défini.
La préparation de l’exécution
La préparation de la mise en oeuvre ou préparation à l’exécution consiste au plan externe à préciser les décisions successives qui devront être mises au service de la stratégie (par exemple lancer une campagne de promotion pour un nouveau produit) et au plan interne à mettre l’entreprise « en ordre de bataille » pour être capable de les exécuter en informant et en mobilisant les ressources internes.
L’exécution
L’exécution proprement dite consistera à exécuter les décisions prises en les adaptant au contexte du moment, aux évolutions du marché ou aux mouvements des concurrents par exemple.
Il est à noter, selon la célèbre phrase de Napoléon « la stratégie est un art simple mais tout d’exécution », que l’exécution elle-même va souvent amener à modifier la stratégie en fonction des circonstances et des opportunités. Sans aller jusqu’à dire, selon le titre d’un ouvrage resté célèbre, que « tout est dans l’exécution », Il est clair qu’il existe un dialogue permanent entre la stratégie et son exécution et que la qualité d’exécution d’une stratégie est tout aussi importante que sa conception pour obtenir les résultats escomptés.