Standard versus sur-mesure, produits versus projets

L’entreprise high-tech B2B/B2G pratique fréquemment simultanément des types d’activités dont les logiques sont contradictoires: le standard et le sur-mesure d’une part, les produits et les projets d’autre part.

Bien sûr, tous les cas de figure sont possibles et on rencontrera parfois:

  • Une entreprise spécialisée uniquement dans les produits high-tech sur-mesure (un banc d’essai ou un simulateur spécifique par exemple) ou au contraire dans les produits standard (un oscilloscope, un appareil médical): elle aura alors une stratégie et un marketing typiquement « produits »
  • Une entreprise spécialisée uniquement dans les projets sur-mesure (les grands bâtiments, les grands ouvrages d’art, la sécurisation d’un site). elle aura alors un marketing typiquement « projets »
  • une entreprise spécialisée au contraire dans les projets standard ou quasi standard (les mini-tunnels urbains): elle aura alors une stratégie et un marketing en fait plutôt « produits »

Pourtant dans la technologie, un grand nombre d’entreprises vont simultanément pratiquer du standard et du sur-mesure en les associant de différentes manières.

Des produits et des projets « sur mesure à base de standard »

On rencontrera des entreprises offrant des produits « sur mesure à base de standard » et des « projets sur-mesure » sur la base de produits mutualisés.

Elles doivent donc réussir à combiner des logiques différentes, ce qui ne va ni sans enjeux ni sans difficultés

Les entreprises de produits chercheront à bénéficier à la fois des effets de baisse des coûts permis par le standard et des marges permises par l’adaptation sur-mesure au client:

  • Elles pratiqueront la différenciation terminale de leurs produits tout en mutualisant au maximum les éléments amont communs entre produits
  • Elles développeront des plateformes. Pour l’illustration, même si les métiers sont différents, cette logique est similaire à celle d’un constructeur automobile qui crée ses modèles en mutualisant des éléments dans une plateforme.

Les entreprises de projets s’efforceront de leur côté de proposer des projets « sur mesure » au sens de adaptés le plus finement possible aux besoins du client, tout en mutualisant le plus d’éléments possibles entre différents projets. Ces éléments mutualisés pourront être des composants mais aussi des études ou des processus.

Un double défi

Les entreprises de projets fabricant en même temps des produits devront faire face à un double défi.

Le premier défi sera du même type que précédemment: créer des plateformes et mutualiser des composants ou des « building blocks »

Le second défi consistera à faire coexister:

  • Une logique de projets, souvent historique dans l’entreprise et qui militera le plus souvent pour développer des produits sur mesure, spécifiques à un projet donné, au plus près de la demande du client
  • Une logique de produits, qui au contraire militera pour développer des produits pour des marchés multi projets et non pour un seul projet.

La logique produits dépendra en partie de la marge de manœuvre laissée par le client lors du cahier des charges d’un projet. elle sera difficile à appliquer avec les clients qui procéderont à des spécifications très détaillées. Tous sera alors affaire de négociation pour ne pas compromettre l’avenir marché de produits qui auront été développés spécifiquement pour un projet particulier.

Cette coexistence produits/projets est souvent délicate en interne car si tous les produits sont utilisés dans le cadre de projets, ce sont les projets qui sont les générateurs de marge alors que les produits demandent au contraire des investissements de développement

L’impératif de la logique produits

On notera que la « logique produits » est devenue de plus en plus indispensable dans les entreprises de projets car Il devient le plus souvent impossible, pour cause de prix trop élevé, de remporter un projet si on doit y développer spécifiquement des produits.

Les clients acceptent de moins en moins, sauf exception, de payer pour du sur-mesure intégral. Il est donc nécessaire pour réduire les coûts de standardiser et mutualiser entre les projets des « briques » de projets, qu’il s’agisse d’éléments de process, de composants ou de « building blocks ». Il s’agit de faire « du sur-mesure partiellement ou totalement à base de standard ».

Dans le cas de l’entreprise high-tech B2B/B2G, on voit que la difficulté est que cela induit une tension particulière entre deux logiques opposées qu’il faut arriver à accorder: la logique de standardisation/mutualisation et la logique de sur-mesure. Si jamais le sur-mesure a constitué longtemps la logique historique de l’entreprise, c’est lui en général qui domine les débats car il porte les ressources et la rentabilité. Il faudra néanmoins parvenir à faire de la place et à faire vivre la logique produits de standardisation/mutualisation qui est un enjeu vital pour remporter les projets.

Comment seront atteints ces objectifs en pratique?

  • Par un travail d’ingéniérie produits qui sera chargé de créer les plateformes et de mutualiser au maximum les composants et les « building blocks »
  • Par la création, en parallèle du pôle projets, d’un pôle produits chargé de défendre la logique produits face à la logique projets ainsi que la définition d’une instance d’arbitrage entre ces deux pôles.

Valérie BERTHEAU

Group Product Policy VP, Thales et Présidente, 3AED-IHEDN

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