Des technologies duales

Un grand nombre des technologies du high-tech B2B / B2G sont duales, c’est à dire qu’elles ont des applications à la fois civiles et militaires. Celle du radar par exemple sert à la fois à localiser les orages et à protéger l’espace aérien d’un pays tout comme le laser sert à la fois à lire des CD et à guider un missile.

Ces technologies sont donc tantôt utilisées dans des produits destinés à des marchés de défense avec leurs exigences propres, tantôt utilisées dans des produits destinés à des marchés civils. Il est clair que toutes les entreprises, même si certaines le font parfois, n’utilisent pas une même technologie pour concevoir et proposer des produits à la fois civils et militaires mais la technologie à la base de différents produits peut, elle, souvent s’appliquer dans les deux domaines. Toutes les technologies ne sont pas duales mais cette dualité est fréquente.

Il est à noter que le périmètre des technologies duales s’est trouvé augmenté par la montée en complexité des moyens militaires de communication, coordination et décision, ainsi que par l’extension de la notion de « champ de bataille » avec les concepts de « guerre hybride » et de « guerre spatiale ». Les technologies duales s’appliquent aujourd’hui par exemple aux différents types de drones et à leur coordination avec les moyens militaires plus classiques, à la sécurité des Data et des transmissions ainsi qu’à de nombreuses technologies du spatial.

Cette extension de périmètre ne va pas d’ailleurs sans quelques remous internes au sein d’entreprises, les « big tech » américaines notamment, dont la vocation de départ était de travailler pour le monde civil et dont certaines divisions se retrouvent progressivement travailler également pour le monde de la défense.

Même si elles ne sont pas à proprement parler militaires au sens de utilisées sur un théâtre d’opérations, on retrouve également de nombreuses technologies similaires dans le « gouvernemental » plus généralement et des domaines tels que la protection des infrastructures critiques, la sécurité des données, les clouds souverains, la lutte contre la criminalité ou l’espionnage industriel, etc.

Les conséquences

Un même composant peut être utilisé dans un produit civil et dans un produit militaire avec des spécifications de performance ou de qualité différentes. On parle souvent de composants « durcis » pour résister à des contraintes d’usage militaire plus exigeantes. En parallèle, un contrôle qualité plus exigeant s’assurera qu’aucune pièce n’est défectueuse.

  • On retrouve d’ailleurs un phénomène du même type dans les pièces « certifiées » destinées à l’aéronautique qui doivent à la fois ne présenter aucun défaut de qualité et résister aux contraintes, de vibrations notamment, associées aux pièces utilisées en vol.
  • De même les composants destinés au spatial doivent pouvoir résister par exemple aux contraintes de température, de pression et de radiations associées au vol en orbite

Les produits destinés à la défense ont longtemps étés élaborés sur des spécifications strictement militaires. Mais du fait à la fois du coût des développement spécifiques et des progrès réalisés par le monde civil, les produits et solutions destinés à la défense utilisent de plus en plus des éléments, produits ou services, issus du monde civil.

De nouveaux paysages concurrentiels

La principale conséquence en est que le paysage concurrentiel s’en trouve souvent bouleversé, avec:

  • Des concurrents établis venus du monde civil (des mondes de l’informatique et des télécommunications notamment) qui se positionnent sur des marchés de défense où ils n’opéraient pas précédemment. Ce mouvement est d’ailleurs fréquemment encouragé, avec des rôles toutefois différents, par les agences d’innovation du secteur défense (comme la DARPA aux USA) ou les bureaux d’études (comme la DGA en France) qui ne veulent plus financer intégralement les développements de produits. Ils incitent donc les fournisseurs (voire l’exigent) à utiliser des composants ou éléments civils qui ont parfois atteint un degré de fiabilité compatible avec les exigences militaires (électronique, informatique, télécommunications notamment) .
  • De nouveaux concurrents, startups ou entreprises parfois soutenues par des agences gouvernementales, qui se positionnent sur des domaines autrefois réservés à des entreprises historiques. L’un des exemples les plus frappants est Space X devenue en 20 ans un acteur incontournable du domaine aérospatial face à la NASA ou à Arianespace sur le marché des lanceurs.

Réciproquement, les marchés civils bénéficient d’innovation qui ont initialement été conçues et financées par le monde de la défense. Les exemples sont nombreux. Ainsi:

  • La technologie des appareils photo numériques a été initialement développée pour les premiers satellites espions.
  • Avant de repérer les besoins d’irrigation agricole ou de surveiller l’état d’un bâtiment de façon plus efficace et surtout moins couteuse que l’inspection humaine, les drones aériens ont été conçus comme des véhicules sans pilote (UAV) destinés notamment à surveiller les champs de bataille. L’aventure des UAV continue d’ailleurs avec les drones maritimes ou sous-marins ou encore ceux, terrestres, destinés à l’inspection en milieu dangereux, explosif, chimique ou radioactif.
  • Les techniques de transfusion sanguine ont été initialement développées pour sauver des vies sur les champs de bataille
  • Les technologies de vision nocturne qui vont même jusqu’à être installées dans des caméras de voitures modernes pour en améliorer la sécurité ont été développées pour des besoins militaires.
  • Les radars météo qui permettent aujourd’hui d’étudier les données, de détecter et de déchiffrer les conditions météorologiques voire de prédire le temps qu’il fera sur une zone donnée, sont eux aussi issus des besoins de défense.
  • On citera encore le four à micro-ondes, le ruban adhésif entoilé, la lyophilisation, l’ordinateur, le pneu en caoutchouc synthétique, la superglue, le GPS et bien d’autres passés, présents ou à venir.

On voit que le monde de la défense a toujours créé des innovations technologiques pour ses propres besoins, et que beaucoup de ces innovations, utilisées et adaptées par des entreprises, ont bénéficié au monde civil et même à notre vie quotidienne.

La question du financement

L’une des questions-clefs est évidemment celle du financement de telles innovations par des « agences » publiques. La DARPA américaine consacre un budget annuel de près de 3 Milliards de US dollars pour financer des innovations militaires avec de possibles retombées dans le civil. Elon Musk par exemple a largement bénéficié de tels financements pour son projet de fusée Space X.

Les financements européens et français existent mais sont bien plus modestes. Ce point, associé bien sûr aux « écosystèmes d’innovation » associant le civil public et le civil privé (laboratoires, réseaux, financeurs à différents stades de développement, startups), reste un enjeu majeur pour les secteurs et technologies d’avenir, les technologies vertes notamment.

ll est important que les financements et les écosystèmes d’innovation, tant européens que nationaux, existent avec une ampleur suffisante si on veut éviter que ces secteurs d’avenir ne soient massivement colonisés et dominés par les entreprises américaines ou chinoises comme l’a été par le passé le secteur de l’IT (matériel informatique, technologies de l’information, Data).

Techno Marketing Academy

Le blog Technology Marketing Academy a été créé par un groupe de consultants et de formateurs qui collaborent depuis une dizaine d’années avec les plus grandes entreprises de haute technologie B2B/B2G en France comme à l’étranger et ont enseigné dans les plus grandes Business Schools.

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