La semaine dernière, la mise en liquidation de l’entreprise historique d’électro-ménager Brandt avec à la clef la perte dramatique de 700 emplois a fait l’effet d’une bombe.
Cette même semaine, une jeune entreprise montpelliéraine de jeux vidéo, Sandfall interactive, créée en octobre 2020, raflait quasiment toutes les récompenses possibles à Los Angeles lors de la cérémonie des Game Awards 2025 après avoir vendu 5 millions d’unités de son dernier jeu en six mois, ceci dans un secteur en croissance qui emploie plus de 12000 personnes en France.
On pourrait mettre en miroir beaucoup d’autres exemples mais la simultanéité de ces deux informations tout comme leur contraste pose à nouveau une même et lancinante question : dans quels secteurs et surtout comment assurer le futur de l’économie, de l’industrie et des emplois en France ?

Bien sûr il y a des secteurs d’avenir et d’autres qui ne le sont pas ou plus, bien sûr il y a parfois des handicaps insurmontables liés au coût de l’énergie ou au coût du travail, tout comme il existe des marchés de grands contrats qui fonctionnent tout autant sur des critères géopolitiques que strictement économiques, etc.
Mais très fréquemment, la question qui se pose face à la concurrence est celle de la valeur face aux coûts et au prix ou plus exactement celle du différentiel de valeur face au différentiel de prix.
Cela ne sera évidemment pas possible partout mais les secteurs qui continueront à créer des emplois seront évidemment ceux dont les entreprises parviendront à créer durablement des produits ou des services qui se vendront profitablement. Le moteur de l’emploi c’est le « produit » qui réussit et le moteur du « produit » qui réussit, c’est le plus souvent le rapport entre la valeur proposée et le prix demandé.
J’ai la chance d’accompagner depuis plusieurs années des entreprises de haute technologie qui créent de nombreux emplois parce que beaucoup de leurs « produits » réussissent en France, en Europe ou dans le monde entier.
Je ne me prononcerai pas sur ce qui fonde en détail la valeur client et son lien avec le prix demandé dans des secteurs grand public comme l’électro-ménager, la banque ou le luxe, qui ne sont pas mes domaines de spécialité. Le mien est le monde des produits technologiques professionnels (ou encore B2B/B2G), où cet exercice de compréhension de la valeur est tout aussi important et difficile mais de nature différente.
Sur ce sujet précis de la valeur face au prix, j’ai retiré deux enseignements de mon expérience professionnelle
Premièrement
La valeur d’un produit ou d’un service pour un client obéit à une règle incontournable, valable dans la plupart des secteurs d’activité, dont on ne tire parfois pas toutes les conséquences lorsqu’on dit « il faut créer de la valeur ».
Un client n’achète pas de la valeur mais des différences de valeur perçue, ceci sous réserve qu’elles lui paraissent supérieures à la différence de prix demandée. Le prix quant à lui est une décision séparée de répercuter ou non directement les coûts.
La compétitivité n’est donc pas uniquement une affaire de coût, c’est une affaire de rapport coût/valeur.
Cette règle, qui explique au passage le succès de la plupart des entreprises et des marques dites « premium », a quatre conséquences :
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- La valeur ne réside pas dans la performance du « produit » elle-même mais dans ce que le produit apporte aux clients visés, c’est-à-dire la différence entre des bénéfices obtenus et des sacrifices consentis
- Un client ne paie pour de la valeur que s’il la perçoit et comprend ce qu’elle lui apporte
- Créer de la valeur client ne suffit pas, il faut en créer plus que les produits ou les solutions concurrentes
- Il faut en même temps que le différentiel de valeur proposé soit considéré comme supérieur à la différence de prix demandée

Deuxièmement
Ces principes de base ne sont pas si différents dans le monde technologique professionnel par rapport au monde grand public mais leur mise en pratique y est souvent plus complexe et demande d’utiliser des méthodes différentes.
Les entreprises du B2B/B2G proposent des « produits » dont le développement est souvent long et couteux et dont la durée de vie sur le marché peut être très longue au fil d’évolutions ou versions successives. Ces « produits » peuvent être des matériaux, des composants, des services, des logiciels, des machines, des systèmes ou des solutions complètes. Ils sont vendus sur des marchés publics ou privés dans des secteurs ou filières comme l’électronique, le BTP, la chimie, l’informatique, la robotique, le nucléaire, le ferroviaire, le naval ou l’Aéronautique/Espace/Défense.
Les entreprises B2B/B2G qui réussissent avec leurs « produits », même si ceux-ci peuvent parfois être vendus dans le cadre de « projets clients » :
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- Ciblent très précisément, avant même sa conception et son développement, le marché et les clients auxquels le « produit » doit s’adresser
- Analysent de façon très précise la hiérarchie de ce qui « fait valeur » pour ces clients, exercice difficile car cette valeur est variable selon les marchés ou les clients et n’est pas uniquement affaire de performance technique : elle peut être aussi affaire de services, de constance dans la qualité, de relation client, de modèle de paiement ou d’image
- Procèdent à une comparaison très détaillée, à la fois technique et non technique, de leur « produit » face aux produits ou solutions concurrentes
- Arbitrent avec soin, lors de la création du « produit », entre plusieurs possibilités pour sélectionner la différenciation qu’elles veulent créer sur quelques points essentiels. C’est à partir de cette différenciation qu’elles travaillent et formulent la proposition de valeur du « produit »
- S’efforcent de mesurer avec tout autant de soin le coût et le « consentement à payer» de cette différenciation.
- Maîtrisent la veille technologique, l’intégration éventuelle de technologies innovantes ainsi que le développement technique en termes de méthode de développement, de financement, de coût et de délai
- Accompagnent leurs « produits » tout au long de leur vie, de la conception au développement, du lancement commercial à la fin de vie, par des efforts permanents d’adaptation et d’amélioration de la compétitivité coût/valeur
- Mettent en place une mécanique efficace pour selon le cas vendre les « produits » ou « détecter et capturer les projets », ce qui repose ici sur des bases plus rationnelles qu’émotionnelles, même si ces dernières ne sont pas totalement absentes.
- Appuient cette mécanique de vente par un marketing opérationnel spécifiquement adapté pour faire connaître et assurer la promotion des « produits » et de leurs propositions de valeur
Ce sont ici quelques-unes des clefs du succès pour les produits technologiques B2B/B2G.
La France a le talent de former parmi les meilleurs ingénieurs au monde et c’est un formidable atout pour anticiper le futur technologique dans le B2B/B2G.
Cependant, les technologies seules, si innovantes soient-elles, ne suffisent pas, il faut savoir les intégrer pour en faire des produits et services qui réussissent sur leurs marchés parce que la valeur supplémentaire qu’ils apportent est en permanence cohérente avec leur prix.

Espérons que nous saurons utiliser au mieux cet atout pour créer de plus en plus d’emplois dans l’économie et dans l’industrie, en professionnalisant encore mieux la création de « produits » avancés proposés au bon prix.
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